Le Ministre de l’Administration Territoriale a tenu une séance de travail houleuse avec une frange des autorités traditionnelles convoquée de la région de l’Ouest.
De retour de Bamenda où il est allé évaluer les mesures prises pour conjurer la crise sécessionniste dans le Noso, Paul Atanga Nji a fait escale dans le chef-lieu de la région de l’Ouest. Hier mercredi 20 janvier 2020 au soir, il a tenu une réunion restreinte avec les préfets des huit départements. Mais avant, dans la matinée, il a eu une séance de travail avec environ 60 chefs supérieurs (de premier et deuxième degrés) de la région, dont le sultan-roi des Bamoun, Ibrahim Mbombo Njoya et Jean Rameau Sokoudjou de Bamendjou, parmi les figures les plus marquantes. En fait de séance de travail, il s’est agi d’un rappel à l’ordre collectif aux chefs traditionnels de la région, dont certains selon le ministre en charge de l’administration des chefferies, se sont éloignées de leurs missions, pour ne pas dire qu’ils se sont égarés.
Pour le dire simplement, le Minat est venu répondre à la fâcheuse déclaration du « Conseil des chefs traditionnels de l’Ouest Cameroun », qui a curieusement refait surface sur les réseaux sociaux la veille, deux mois après sa publication. Sans cacher sa colère, le Ministre de l’Administration territoriale a indiqué que sa présence dans la ville de Bafoussam est liée « aux problèmes que les chefferies ont connu au cours de l’année 2020 dans la région de l’Ouest. Mais aussi les attitudes affichées par certains chefs de la région ». Il a tenu à faire comprendre aux participants que seule l’autorité du Président de la République doit compter : « Paul Biya est le chef suprême des chefs traditionnels. Tous les chefs doivent lui faire allégeance comme vos sujets le font à votre endroit », a martelé Paul Atanga Nji, qui explique dans le style qu’on lui connaît, que de nombreux chefs avaient fait la prison avant l’accession au pouvoir de Paul Biya, en 1982. De même, d’autres sont allés en exil. Toutes choses qui l’amènent à s’interroger sur les desseins d’un mémorandum qu’il considère comme « la copie d’un projet politique rédigé par un homme politique issu de la région de l’Ouest». D’où cette mise en garde aux « auxiliaires de l’administration » qu’ils sont. « Je suis venu vous dire que lorsqu’il faut s’adresser au Chef de l’Etat, il faut trouver les mots justes et le faire de manière confidentielle », souligne celui qui instruit aux chefs, en toute circonstance une posture républicaine.
Pour mettre en minorité les mémorandistes du Conseil des chefs traditionnels de la région de l’Ouest (Ccto), de novembre 2020, le pouvoir a pu obtenir une douce déclaration d’un « Collectif des chefs traditionnels de la région de l’Ouest », le 4 décembre 2020. Mais le document, bien que signé par un nombre important de têtes couronnées, ne semble pas avoir donné le change au premier. Ce qui est considéré comme une trahison. Atanga Nji, menaçant, invoque les « largesses » octroyées par l’homme du 6 novembre à de nombreux chefs de la région de l’Ouest. « Plusieurs de vos sujets demandent l’éclatement de vos chefferies », trahit-il. Ce que rejette le Chef de l’Etat, « qui tient à protéger votre pouvoir ». Puis, le Ministre confesse publiquement avoir influencé des magistrats pour empêcher la condamnation d’autres chefs, poursuivis au tribunal pour des indélicatesses avec leurs sujets ou dans des relations d’affaires.
Le Minat va susciter des remous dans la salle des conférences du gouverneur, en faisant des recommandations aux chefs traditionnels. « Au lieu de parler de politique, donnez des idées sur l’agriculture », leur a-t-il conseillé. Pour lui, l’implication des chefs dans la politique relève de la « distraction ». Un exercice alimenté par certains de leurs fils, à qui ils doivent tourner le dos. Il reconnaît néanmoins qu’il y a de bons éléments dans les rangs. « Dieu a inspiré certains chefs, qui sont venus me voir pour dire qu’ils n’ont pas été consultés pour la rédaction de ce mémorandum. (…) J’avais prévu donner un carton jaune à certains ». Puis il siffle la fin de la récréation. « Les chefs doivent accompagner le gouvernement…
Le travail des chefs n’est pas d’écrire des mémorandums. Je suis venu vous dire comment les chefs doivent travailler avec l’administration ». Dès lors qu’ils bénéficient d’un salaire, ont été cooptés dans les conseils régionaux et ont remercié le Président de la République pour cela.
Une autre “mise en garde” à Fo’o Sokoudjou
Dans ce contexte, on n’a pas été surpris de voir Yampen Ousmanou, le préfet des Hauts-Plateaux, adresser une deuxième mise en garde au chef supérieur Bamendjou, pour ses sorties jugées intempestives tant sur les réseaux sociaux que dans les medias, « au mépris du respect de l’Etat de droit et des institutions de la République ». Dans cette nouvelle lettre datant du 19 janvier 2021, le préfet rappelle : « par lettre No100/L/F38/SP du 24 juillet 2020, j’attirais votre attention sur les violations flagrantes des lois de la République suite à une concertation politique organisée et présidée par vos soins dans l’enceinte de votre chefferie le 18 juillet 2020. En dépit de cette mise en garde, dans l’oubli des obligations que vous impose votre qualité d’auxiliaire d’Administration en vertu du décret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles, vous continuez à agir en marge des textes en vigueur, au travers des propos de nature à mettre en péril la stabilité des institutions républicaines et la légitimité de celui qui les incarne. Autoproclamé donneur de leçons, vous incitez ainsi les populations à la révolte et à l’insurrection ». Une nouvelle fois, le préfet invite le chef Bamendjou « à faire preuve d’un sens élevé de responsabilité digne de votre statut de gardien de traditions. Aussi ai-je l’honneur de vous rappeler que toute nouvelle sortie cybernétique ou médiatique intempestive de votre part, au mépris du respect de l’Etat de droit et des institutions de la République, vous exposera à la rigueur de la loi ». Le 18 juillet 2020, une rencontre du C3, cadre citoyen de concertation, avait réuni à la chefferie de Bamendjou autour du chef, des leaders politiques et plusieurs membres de la société civile. Ce fut l’objet de la première « mise en garde ». Sokoudjou Chendjou II, 85 ans, avait réagi : « on ne m’intimide pas… Je ne suis pas un fonctionnaire affecté à Bamendjou ». La série continue !