Ces sont du Professeur René Joly Assako Assako, Professeur titulaire hors échelle et 1er Vice-recteur à l’Université de Douala, qui a mis sur pied deux concepts à savoir la Géographie transcendante et la Rhomboscopie existentielle. Deux innovations qui honorent la recherche camerounaise. Elles se comptent parmi les grandes inventions de ce siècle. Avec la géographie transcendante, Le professeur René Joly Assako Assako déconstruit les fixités doctrinaires et méthodologiques et intègre la spiritualité dans la recherche géographique. A travers la Rhomboscopie existentielle, il a créé la théorie des losanges, grâce à laquelle il offre des outils pour gérer la vie et se projeter dans l’au-delà. Il répond aux questions de votre journal.
Quelle est votre vision pour l’Afrique en ce qui concerne la géographie ?
Ma vision concernant la recherche en Afrique ne vise pas seulement la géographie, mais la science en général. Je crois qu’il faut d’une part désesclavagiser et décoloniser la recherche, la science et les savoirs et d’autre part opérationnaliser la recherche. Je pense que la recherche doit prioritairement, sinon exclusivement cibler les problèmes, les écosystèmes et les institutions locaux et régionaux. Plus prosaïquement, il faudrait que les recherches soient toutes pertinentes, c’est-à-dire que chaque résultat de recherche doit être la solution à un ou plusieurs problèmes qui se posent à notre environnement, à notre société, à notre vécu ou à nos institutions. Je parle donc des recherches appliquées. Ainsi, le slogan « un étudiant, un emploi », pourra se poursuivre par « un chercheur, une innovation ». Je ne sais pas pourquoi les chercheurs africains sont si timorés, au point de faire de l’automutilation intellectuelle. Il faut créer. Il faut innover, chacun dans son domaine. Il n’y pas de création que dans les sciences dites dures (mathématiques, physique, informatique, etc.). Même dans les humanités (sciences sociales et humaines) et plus encore là-bas, il faut innover. Il faut enrichir le vocabulaire scientifique. Il fait d’ailleurs que les gens sachent que c’est par l’anthropologie et la sociologie que les occidentaux ont conquis l’Afrique. Les sciences dures et la technologie sont simplement venues les installer sur des terrains qui avaient déjà été aplanis par les sciences sociales. Tout ça pour dire que c’est l’innovation qui porte la science et le développement.
Pour y arriver, il faut équiper les laboratoires de recherche et outiller les enseignants chercheurs, en renforçant la politique volontariste qui a déjà cours et dont il faut se féliciter. Je crois pouvoir affirmer que de bonnes recherches se font dans toutes les universités d’État et même dans toutes les unités de recherches du Cameroun. La prime de modernisation de la recherche allouée par le président de la République, S.E. Paul Biya et payée trimestriellement aux enseignants d’universités joue à cet effet un rôle de premier plan. Il faut d’ailleurs se féliciter de ce que ledit paiement est régulier. Cette prime de modernisation de la recherche est venue s’ajouter à la prime de recherche semestrielle versée aux mêmes bénéficiaires dans tous les Établissements d’enseignement supérieur. On peut donc dire que la recherche universitaire dispose de moyens conséquents pour pouvoir produire des résultats qui peuvent, rivaliser de pertinence avec les autres institutions universitaires du monde. Malheureusement, il ne me semble pas qu’on en sache assez sur toutes ces recherches qui se font. Peut-être devrait-on alors communiquer suffisamment sur ces résultats et surtout les opérationnaliser dans les milieux socio-professionnels.
Que proposez-vous à l’Etat du Cameroun pour améliorer le système éducationnel dans les universités. ?
Il ne faut pas dissocier les universités de l’ensemble du système éducatif, même si l’éducation et la recherche relèvent de 3 ou 4 départements ministériels. Je crois que c’est par souci d’efficacité que les choses sont ainsi faites et c’est bien. Cependant, l’éducation est un tout. L’amélioration du système éducatif vise avant tout d’avoir des produits (apprenants) capables de résoudre les problèmes qui se posent à notre environnement, à notre société ou à nos institutions. Pour ce faire, la meilleure éducation est celle qui donne des aptitudes et des outils de résonnement. Je privilégie par conséquent les compétences et autres habiletés aux parchemins et autres diplômes, dont le rôle devrait être celui qui consiste à sanctionner un niveau ou degré de maîtrise d’un domaine de savoir. Il faut par ailleurs renforcer la culture entrepreneuriale, afin que les apprenants issus de notre système éducatif soient prioritairement des créateurs d’emplois, au lieu d’être des chercheurs d’emploi. Ce serait une grande révolution, au regard de la précarité et de l’insuffisance des emplois, qui justifient les taux élevés de chômage.
Je crois aussi que l’éducation doit être inclusive et modulable, de sorte à ne laisser personne au bord du chemin. Il devrait être modulé de sorte que chacun y trouve son compte, en fonction de ses capacités et de ses possibilités. Cela suppose une bonne collaboration effective entre les milieux de formation et les milieux socioprofessionnels. Ainsi, on formerait en fonction de la demande exprimée par les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Une telle articulation éviterait de former juste pour former, pour que les diplômés aillent se battre à trouver à quoi et à qui ils peuvent être utiles, une fois la formation terminée.
On doit éviter que l’école républicaine ne soit que l’affaire des génies et des riches. Bien des élèves moyens au départ ont fini par faire des merveilles en bout de cours, comme plusieurs génies ont connu des débâcles académiques incroyables. L’État devrait renforcer la promotion de l’éducation dans les zones rurales, en actionnant de manière décisive l’aspect « développement rural », qui semble actuellement noyé par la primauté de l’agriculture au sein du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural. Il faut des mesures incitatives (mais aussi coercitives) pour que les enseignants affectés dans les zones rurales y restent et travaillent effectivement et dans de bonnes conditions.
Propos recueillis par Herve Narcisse Yemdji
L’interview du Pr Assako Assako mérite grandement qu’un plus vaste écho lui soit réservé dans les milieux de l’enseignement et de la recherche. Il cerne avec exactitude les problèmes et propose avec pertinence,des réponses appropri pour y répondre.
Félicitations à cet universitaire de grand talent,qui ose créer et innover.