Plusieurs détaillants ont fait passer la bouteille de 650 à 700 Fcfa dans les bars pour retrouver les marges bénéficiaires perdues depuis 2015. Les consommateurs trinquent face à l’impuissance des pouvoirs publics à mettre fin à la spéculation dans un contexte de hausse généralisée des prix.
Malgré la pression des sociétés brassicoles depuis la survenue du coronavirus en 2020 et surtout l’invasion russe en Ukraine en février dernier, entre autres crises qui ont fait exploser les coûts des facteurs de production des entreprises à l’échelle de la planète et provoqué une hausse inédite des prix à la consommation finale des ménages, le gouvernement du Cameroun s’oppose à toute nouvelle révision à la hausse du prix de la bière. Au terme d’une audience le 27 juillet dernier à Yaoundé avec le président du conseil d’administration de la Société anonyme des brasseries du Cameroun (Sabc), le Français Michel Palu, le ministre du Commerce (Mincommerce), Luc Magloire Mbarga Atangana, a annoncé que le leader du marché local de la bière avait finalement décidé d’« accompagner le gouvernement en renonçant à l’augmentation initialement projetée du prix de la bière ». Les détaillants, qui ignorent les contours de ce deal dans un contexte national et international plutôt défavorable, ont décidé de leur côté de passer en force en ajoutant 50 Fcfa sur les 650 Fcfa représentant le prix de la bière plafonné en 2019. Cette hausse actée par des spéculateurs dans l’arrière- pays depuis au moins deux mois – ils invoquent des surcoûts liés au transport – est effective depuis plusieurs semaines dans la plupart des quartiers de Yaoundé. Fougerolles, Ngousso, Omnisports, Essos, dans l’arrondissement de Yaoundé 5e, etc., le nouveau prix de 700 Fcfa fait tache d’huile. La réalité est la même dans les quartiers périphériques de la capitale situés le long de la route Yaoundé-Soa dans la Mefou et Afamba, notamment Nkolfoulou et Tsinga Village. Les exploitants des débits de boissons ont manifestement profité de la pluie pour se soulager dans la nature, au grand dam des consommateurs dont le pouvoir d’achat se voit davantage effrité. Entre 2012 et 2019, le prix de la bière a été revu à la hausse à trois reprises. L’on est ainsi passé de 500 Fcfa la bouteille de 60 centilitres de bière cette année-là à 650 Fcfa officiellement en 2022. Ces hausses consécutives décidées par le gouvernement dans le but – principalement – de maximiser les taxes et impôts au profit du trésor public ont fortement grignoté sur les marges bénéficiaires des détaillants (lire interview ci-dessous). Le gouvernement est-il capable d’obliger ces acteurs à faire machine arrière en attendant une éventuelle hausse officielle du prix de ce produit ? Quoiqu’il en soit, la prochaine révision des prix de la bière, qui semble inévitable au vu du niveau actuel très élevé des cours des céréales, devra prendre en compte les desiderata de tous les acteurs de la filière bière.